Les 6 conseils du DRH de Google

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Laszlo Bock, Senior Vice-President of People Operations chez Google est également auteur du livre “Work Rules!: Insights from Inside Google That Will Transform How You Live and Lead.”.

Interrogé durant le KPCB CEO Workshop, il nous donne une myriade de conseils sur la stratégie RH des moyennes et grandes entreprises, dans une vidéo de 20 minutes.

Puisque l’article du Business Insider UK traduit par le Journal du Net ne reflétait, selon moi, qu’une toute petite partie de ces insights, j’ai décidé de vous résumer l’entièreté de la vidéo. Voici donc :

Les 6 conseils du DRH de Google pour votre stratégie RH

1. Quelles techniques utiliser pour choisir un candidat lors d’un recrutement ?

Les évaluations sur base de cas pratiques ou logiques (« brain teasers ») ne sont pas prédictives de la performance du recruté, car elles ciblent des compétences « fixes » et non « flexibles »… Ce qui est pourtant ce qu’on devrait chercher à recruter.

Bonne méthode : interview structurée dans laquelle on décortique des expériences de l’interviewé(e).

2. Qui doit réellement choisir de recruter ou non un candidat ?

Le choix final de l’embauche ne doit jamais être laissé au seul manager faisant passer l’interview. Des études montrent que mêmes les personnes a priori les plus qualifiées pour un recrutement fonctionnent en se faisant une première impression du candidat et en tentant de valider celle-ci par la suite.

Bonne méthode : la décision finale doit être prise par un comité de recrutement, qui se base sur des notes objectives prises pour l’interviewer.

3. Comment évaluer la performance du travailleur ?

Les évaluations de fin d’année, ou réunions en face à face, sont biaisées d’entrée de jeu : l’objectif de l’évalué étant de briller auprès du manager (souligner ses réussites, diminuer ses échecs). De même, si le manager cherche à vérifier / contrôler l’atteinte des objectifs au quotidien, il polluera vraisemblablement le travail de l’employé qui a (franchement) autre chose à faire que de se soucier de lui et de faire du reporting.

Bonne méthode : diminuer le pouvoir du manager, mettre en place des incentives pour promouvoir l’honnêteté du salarié et interroger les pairs pour l’évaluation des performances.

4. Comment développer les compétences des collaborateurs ?

Bien souvent, les objectifs de développement sont peu précis et les méthodes utilisées pour les atteindre se révèlent time-consuming, coûteuses et peu efficaces.

Bonne méthode : Cibler des petits objectifs sur lesquels on veut avoir un impact réel, c’est en améliorant ceux-ci, à la base du travail du collaborateur, que la performance globale peut décoller par un effet boule de neige. Pour ce faire, un processus clef :

[ Prévision > Expérience > Feedback ] x Répétition (avec ajustement).

5. Comment généraliser une culture d’entreprise ?

Quand une start-up démarre, les fondateurs imprègnent le projet d’une certaine culture. La maintenir quand le nombre de collaborateurs croît de manière importante reste un défi pour le moins difficile…

Bonne méthode : Impliquer les collaborateurs dans un questionnement permanent sur la culture de l’entreprise, en créant une sorte de « Saine Paranoïa » pour vérifier qu’on ne s’éloigne pas de la culture originelle.
Pour adapter une culture start-up à une entreprise de grande envergure, le management a 2 tâches primordiales :

  1. Trouver des solutions opérationnelles pour systématiser des petites choses qui faisaient la culture originelle
  2. Contrôler les plus petits signaux envoyés par le management, véritablement scruté par les travailleurs, sont cruciaux sur la perception de la culture de l’entreprise.

6. Comment rémunérer les collaborateurs de manière juste et motivante ?

Généralement, les entreprises optent pour une justice distributive dans leur stratégie de rémunération / compensation & benefits, et ce afin d’éviter des révoltes qu’on pourrait voir pointer pour des écarts salariaux trop importants entre différents collaborateurs.

Autrement dit, le système de paie devient 100% transparent, ce qui crée une insatisfaction inconditionnelle : on se compare aux autres et on voudrait toujours atteindre un palier supérieur pour obtenir un peu plus…

Cette différence dans la rémunération est beaucoup moins perceptible dans le sport, l’art ou le show-business : les plus talentueux ont des rémunérations bien supérieures aux autres acteurs (de leur environnement spécifique).

Bonne méthode : Accepter qu’il n’est pas injuste de bien mieux rémunérer les personnes ayant le plus de talent, c’est-à-dire de valeur pour l’entreprise, et d’avoir donc un spectre de rémunération très large.

De plus, passer d’un système de justice distributive à un système de justice procédurière, ou la paie dépend d’un système clair et juste, basé sur le job et la performance. C’est ce processus de rémunération qui doit être accepté (peu importe les différences plus ou moins impressionnantes des montants).

Pour fonctionner, ce système implique forcément un justice sociale inconditionnelle (la paie est centrée sur le job, pas sur un historique de rémunération, le sexe, etc.).

Mon avis :

Google, ce n’est pas n’importe quelle boîte. De par leurs produits, leur culture … et leur barème salarial, cette entreprise à une attractivité énorme, et c’est bien ce qu’il faut garder en tête quand on écoute leur DRH…

1. Techniques de testing

Oui, je me bats aussi auprès de mes clients pour leur expliquer (prouver ?) que les exercices de logiques classiques (« complétez la suite suivante … ») sont inadaptés pour évaluer des compétences de logique… En revanche, dire que, lors d’un recrutement, on ne cherche qu’à regarder la compétence « flexible » du candidat sans jamais s’interroger sur sa compétence « fixe » initiale, ça ne peut être le cas de tout le monde…

Evidemment, Google attire tellement de talents qu’il leur est aisé d’écrémer sur base des compétences non-techniques quand tellement des personnes techniquement ultra-qualifiées font la queue devant la salle d’interview…

2. Choix du candidat

Pour que le comité puisse effectivement se baser sur de l’information fiable dans son choix, l’enjeu sera de définir des critères objectifs et des échelles d’évaluation de ces derniers … pas une mince affaire 😉 (*poke ITinera-Group*)

3. Évaluation des performances

Dommage que les performances ne soient évaluées qu’une fois de temps en temps. Je suis pour une culture de l’évaluation, avec des mesures constantes des performances par les pairs… Mais pour qu’elles soient constantes, il faut les faciliter et les automatiser avec les outils adéquats.

Dans tous les cas, pour instaurer une culture de l’honnêteté et de l’évaluation, l’entreprise ne doit pas flinguer l’erreur et l’échec, sans quoi tous les efforts pour une mesure efficace seront réduits à néants par les stratégies personnelles dont parle très bien Monsieur Bock.

Rappelons également que la performance est aussi généralement une question de compétence technique de base… Comme j’en parle dans le point suivant, ce sont souvent les petites choses techniques qui font la différence (maîtrise d’un catalogue de produits, de la langue, des procédures de l’entreprise, etc.).

4. Formation

100% d’accord. Trop souvent, la formation est une rémunération alternative /un cadeau, ou bien est trop ambitieuse et tout le monde perd son temps et son argent dans des programmes sympas mais à faible valeur ajoutée.

5. La culture

Je comprends les différents aspects défendus et retrouve tout à fait cette « Sainte Paranoïa » dans le discours de Bertrand Bailly, Président de Davidson Consulting. Sa méthode est autre : quand le structure devient trop importante et risque de perdre son identité d’origine, il scinde en plusieurs plus petites structures à tailles humaines… Vous retrouverez de nombreuses inspirations dans leur Davidson Code.

6. Rémunération

Sacré débat ! Le talent inné mérite-t-il plus que le travail acharné si ce dernier a un impact moindre sur l’entreprise ? Est-ce bien cela la justice sociale dont Laszlo Bock parle ? Ce modèle est-il une relique d’un modèle ultra-libéral voué à mourir ou le prémisse d’une société plus juste imaginée par de grands entrepreneurs ?